
Je croyais naïvement que les moissons consistaient simplement à la coupe des céréales et en la séparation des grains et de la paille. Mais vu de près cela est un peu plus compliqué.
Tout d'abord, la paille et le foin sont deux choses totalement différentes.
- La paille est constituée des brins de céréales mûrs totalement débarrassés de leurs grains.
- Le foin c'est de l'herbe pas tout à fait mûre, mélange complexe de graminées et de légumineuses, coupées intactes et conservant les qualités de leurs graines.
C'est le foin qui est distribué en hiver comme aliment aux bêtes alors que la paille sert à faire la litière.
Les étapes de la moisson :
D’abord la coupe et le battage : cela consiste à moissonner et ramasser les grains à l’aide d’une moissonneuse batteuse et laisser la paille sur le sol pour qu’elle sèche. Le grain est soit amené à une coopérative soit stocké par l’agriculteur.
moissonneuse batteuse
La paille reste sur le champ pour sécher, et durant ce temps pour l’aérer et qu’il sèche plus vite, on passe la faneuse qui disperse les brins et les retourne.
faneuse tractée sur roues
machine pour faire des andains
Ensuite une autre machine est passée faire des andains et permettre ensuite qu’ils soient ramassés et pressés par une troisième machine qui fait les rouleaux que l’on peut voir dans les champs le long des routes.
machine pour faire les rouleaux
Ces rouleaux peuvent être simplement ficelés, être entourés à leur périphérie dans une toile plastique ou carrément entièrement enveloppés dans une sorte de sac plastique. Ensuite si tout va bien (=pas de pluie...) on pourra les stocker pour l’hiver.
Tout ça c’est la théorie quand tout va bien . Ces opérations se succèdent tranquillement pour être terminées vers le 15 ou le 20 juillet.
Mais cette année les pluies fréquentes et régulières sont venues mettre à mal cette organisation.
Je suis arrivé chez Liliane le dimanche 5 août et elle m’a accueilli en me disant:"Ca y est, les moissons commencent demain si tout va bien".
Liliane est une femme qui vit avec son temps, c’est à dire qu’elle ne se contente pas de lire la météo dans le journal mais qu'elle consulte plusieurs sites de météo sur Internet dont un qui donne des photos satellites des nuages sur l’océan Atlantique, et c’est après une synthèse personnelle qu’elle prend des décisions qui peuvent être lourdes de conséquence pour son exploitation .
Dans la nuit de dimanche à lundi quelques gouttes sont tombées et remettent en question le début des moissons. Donc après consultation des sites météo, Liliane voit que la pluie se calme jusqu’au mercredi midi, il reste donc à savoir si la terre et les céréales auront le temps de sécher et d’être ramassées d'ici là . En effet on ne peut pas moissonner si la terre est détrempée car les machines risquent de s’embourber et alors bonjour les dégâts.
D'ailleurs même si l’herbe est seulement humide cela gêne le travail. De plus, un grain trop humide ne se conservera pas. Les coopératives acceptent jusqu'à 15% d’humidité mais elles sont équipées pour sécher le grain. Un agriculteur devra se contenter d’étaler la récolte et de la remuer en espérant que la chaleur enlèvera l’humidité, ce qui reste aléatoire et demande des manipulations, et donc du travail supplémentaire.
Après de nombreux coups de téléphone à ses voisins et ses amis pour avoir leur opinion, Liliane se décide ce lundi à 17 heures. C’est maintenant, même si tout le monde n’est pas d’accord avec elle, c’est sa responsabilité de décider.
Mais il ne suffit pas de décider, en effet vu le prix des machines et la courte période où elles sont utiles, les agriculteurs ne possèdent pas les moissonneuses ni assez de bennes pour les récoltes. Ils doivent faire appel à des entrepreneurs, donc à 17 heures le téléphone se remet à chauffer pour trouver un entrepreneur qui a une machine et un chauffeur de libres. Cela se trouve assez vite puisque les voisins n’ont pas pris la même décision et préfèrent attendre encore. Maintenant c’est des bennes qu’il faut trouver, là encore cela se conclue assez rapidement et tout est en place pour 18h30.
pour se rendre compte de la taille de la machine regarder celle des gens devant
arrivée d'une benne
dépose d'une deuxième benne
Faut –il encore que Liliane aille chercher la moissonneuse pour indiquer le trajet et surtout pour servir de « poisson pilote » avec un gyrophare et un panneau de "convoi exceptionnel" à l’engin qui est presque aussi large que la route départementale.
Ne soyez pas étonné par l’heure de début de la moisson, en plein boum les machines tournent quasiment 24h/24h on change juste les chauffeurs.
En même temps que la moisonneuse moissonne elle stocke dans une réserve les grains dans une trémie et rejette les tiges. Quand la trémie est pleine elle la vide dans les bennes.

Deuxième difficulté pour Liliane, là elle a réglé le problème du champ de blé ( environ 10 hectares) mais vu le peu de temps sans pluie il faudrait trouver une autre machine pour s’occuper d’un autre champ de « mélo » ( mélange de différentes céréales pour l’alimentation des bêtes). Donc c’est reparti pour trouver un entrepreneur. Banco elle en trouve un qui peut lui envoyer une machine de suite qui sera rejointe par une seconde plus tard dans la soirée !
2 moissonneuses dans le champ et la nuit qui arrive
et là pas besoin de bennes supplémentaires car le champ est proche de la ferme et que Liliane garde la totalité de la récolte.
Dés qu'elle a amené la première machine au champ de blé elle part chercher la seconde pour le champ de mélo puis doit partir s’occuper de la traite ( qui dure environ 2h).
Pour le champ de blé elle a laissé un tracteur avec une benne d’une contenance d’environ 12 tonnes pour ce qu’elle veut garder. Le reste sera emmené à la coopérative dans les bennes de l’entrepreneur. Donc rien à faire pour le moment. Mais pour le champ de « mélo » c’est une autre histoire. En effet il reste un tracteur avec une benne de 10 tonnes environ mais ce n’est pas assez et on n’a pas le temps de la vider, le reste sera versé dans de grands sacs ( contenant 1 tonne) qui seront transportés sur une remorque plateau. Mais il n'est pas facile de remplir ces sacs car le bras d'où sortent les grains n’est pas prévu pour ça et ne descend pas assez. Il faut donc tenir les sacs à bout de bras et ne les poser que quand ils deviennent trop lourds mais qu’ils restent ouverts pour recevoir les grains, et là il faut les maintenir pour qu’ils ne se renversent pas.
Jean-Louis et Fabrice tenant un sac à bout de bras puis le maintenant
Ensuite ces sacs seront soulevés par un tracteur, puis déposés sur la remorque qui ne peut en porter que 4
transport
dechargement
transbordement
Donc départ pour la ferme puis manœuvre inverse pour décharger et re belote puisque nous avons 12 sacs à transporter. C’est là qu’en plus de Jean Louis la présence de Fabrice a été précieuse et même moi j’ai donné un coup de main.
Cela nous mène jusqu’à 23h30 car une des 2 moissonneuses a eu des problèmes et a dû s’arrêter. Ensuite Liliane a raccompagné les moissonneuses jusqu’à leur entrepôt situé à peu de kilomètre mais ces engins sont limités à 25 km/h, elle n’est donc rentrée que 45 minutes après.
Journée finie nous regagnons tous nos pénates pour reprendre le lendemain.
Le lendemain matin après la traite (2h je vous rappelle) Liliane veut aller voir le champ de blé et là déception presque rien n’a été récolté. Coup de téléphone à l’entrepreneur qui répond que le champ avait trop d’herbe encore verte et que malgré la grosse machine le chauffeur avait décidé d’arrêter, des liserons s’enroulaient autour de l’arbre de coupe et l’empêchaient de fonctionner. Après de longs pourparlers Liliane le convainc de refaire un essai cet après midi.
Cela se fera et tous les grains seront rentrés avant l’arrivée de la pluie, Liliane avait bien calculé.
Ce mardi matin Fabrice et moi avons transféré le « mélo » de la remorque dans la cellule de stockage bien aidés pour cela par le fait que la benne se soulève et qu’une vis d’Archimède motorisée monte les grains.
levage de la benne
départ de la vis d'Archimède
arrivée de la vis d'Archimède
Notre travail a consisté pour Fabrice à aider les grains à descendre de la remorque, et pour moi à réguler leur arrivée sur le départ de la vis d’Archimède,
je régule!
En effet trop peu de grains = le travail n’avance pas et cela fait beaucoup de bruit, trop de grains = risque de bloquer le mécanisme, et alors là encore du travail pour tout démonter vaut mieux l'éviter.
Le mercredi la pluie est là, heureusement les grains sont à l’abris mais mauvaise surprise le blé est vraiment trop humide pour être stocké tel quel. Il faut donc l’étaler pour espérer qu’il sèche. Pour cela il faut donc nettoyer un coin du hangar et nous voilà tous sur le pont, Jean-Louis aux commandes d’un tracteur enlève le plus gros.

Jean-Louis aux commandes tout parait facile
tandis que Liliane, Fabrice et moi nous fignolons avec pelles et balais nous fignolons!
Enfin,après une magistrale traversée de toute la ferme en marche arrière Liliane a déchargé le blé.
fin de la marche arrière
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